En prenant congé de vous, mes chers fidèles, je crois nécessaire de vous adresser quelques mots qui soient comme mon testament spirituel. Je veux, en effet, même après ma mort, faire tout ce que je puis pour écarter de vous les dangers qui vous menacent et accroître votre bonheur, pour autant qu'il est possible en cette vallée de larmes. Je considère que c'est d'autant plus nécessaire que, très chers dictésains, vous constituez une bonne partie du peuple croate, au milieu duquel la divine Providence m'a assigné ma tâche pastorale. Ce que je vais vous dire sera également utile aux autres.
Au milieu de nous se sont infiltrés des hommes athées qui, bien qu'en minorité (à l'heure où j'écris, ils sont à peine 2%(1)), ont tout fait pour arracher le nom de Dieu de vos âmes et vous rendre - disent-ils - heureux même sans Dieu. Mais moi, mes très chers fidèles, au moment de quitter ce monde, je dois vous dire, à propos de toute tentative de ce genre, ce que disait le prophète Isaïe: "Mon peuple, ceux qui te dirigent s'égarent et ils ruinent le chemin où tu dois passer." (Is., III, 12.) N'avez-vous donc jamais entendu ce que dit le poète inspiré du Seigneur: "Si Yahvé ne bâtit pas la maison, en vain travaillent ceux qui la bâtissent; si Yahvé ne garde pas la cité, en vain la sentinelle veille à ses portes." (Ps., cxxvI, l.) Vouloir être heureux sans Dieu, c'est vouloir construire la tour de Babel dont l'érection provoqua la confusion des langues parmi ses constructeurs et leur dispersion à travers le monde. Ainsi en adviendra-t-il sûrement dans l'avenir! Toute tentative d'assurer la culture, la civilisation et le bien-être à un peuple, sans le secours de Dieu, signifie sceller sa perte dans le temps et dans l'éternité. C'est pourquoi, chers fils, moi aussi, au moment de prendre congé de vous, je vous adresse les paroles de saint Paul aux Philippiens. "Tenez fermes dans le Seigneur, mes bien-aimés." (Phil., m, 1.) C'est seulement dans le Seigneur que réside le vrai bonheur temporel et éternel; loin du Seigneur, il n'y a que perdition. N'est- il pas vrai que le fils prodigue de l'Evangile pensa lui aussi trouver le bonheur en abandonnant la maison paternelle? Il en était parti riche, mais ensuite dans quel état se vit-il? "Il eût bien voulu se rassasier des gousses que mangeaient les pourceaux, mais personne ne lui en donnait. " (Luc, xv, 16.)
Les hommes, donc, qui méprisent Dieu veulent vous éloigner de lui et vous ravaler au niveau le plus bas. Leur oeuvre est maudite de Dieu, ce qui est facile à comprendre car "le Seigneur ne se laisse pas tourner en dérision". (Gal., vI, 7.) Pour finir, au lieu du bonheur qu'ils vous promettent, ils ne seront même pas capables de vous offrir le minimum nécessaire à l'homme. Il en sera toujours ainsi; la parole de Dieu est, en effet, infaillible. Le prophète a dit: "Espoir d'Israël Yahvé, tous ceux qui t'abandonnent seront confondus! Ceux qui se détournent de toi seront extirpés de la terre, car ils ont abandonné la source des eaux vives : Yahvé." (Jérémie, xvII, 13.)
Soyez fidèles jusqu'au sang à l'Eglise catholique
Dieu, grand et bon, n'a pas délaissé l'homme après sa chute dans le paradis terrestre, bien qu'il le méritât. Bien plus, il a tant aimé le monde qu'il a envoyé son Fils pour le sauver, comme dit l'Apôtre: "Il nous a délivrés de la puissance des ténèbres, pour nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé." (Col., I, 13.) Ce royaume, c'est l'Eglise du Christ, Eglise catholique, aussi vieille que la foi chrétienne. Elle n'a jamais changé sa doctrine, pas même d'un iota; mais elle enseigne aujourd'hui tout ce qu'elle a reçu des saints apôtres. Elle a, comme vous savez, son siège à Rome et elle l'y gardera jusqu'à la fin du monde. C'est là qu'a résidé le premier Vicaire de Jésus-Christ dans le gouvernement de l'Eglise, saint Pierre; c'est là que résident aussi, ses successeurs les Souverains Pontifes. Vous savez ce que Jésus a dit à Pierre: a Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre elle." (Matth., xvI, 18.) La règle est donc celle-ci: a Là où est Pierre là est l'Eglise du Christ."
Mes chers fils, demeurez fidèles, à tout prix, même au prix de la vie, si c'est nécessaire à l'Eglise du Christ, qui a le successeur de Pierre comme Pasteur suprême. Vous savez que nos pères et nos ancêtres ont versé, durant des siècles, des fleuves de sang, pour conserver le trésor sacré de la foi catholique et pour rester fidèles à l'Eglise du Christ. Vous ne seriez pas dignes du nom de vos pères, si vous vous laissiez arracher de la pierre sur laquelle le Christ a bâti son Eglise.