Il aimait profondément l'Eglise catholique; sa foi en Elle était enracinée dans son coeur et il voulait la transmettre aux prêtres et aux fidèles.
Quand il apprit, en 1955, que le Gouverm ent ferr.iit les Séminaires:
"Je ne suis nullement étonné, dit-il, nous pouvons nous attendre au pire. Même si le nombre des jeunes prêtres diminue, s'ils ont l'Esprit de Dieu, ils peuvent faire beaucoup. Dieu ne nous lâchera pas, je le crois fermement. S'Il voulait nous abandonner, nous ne serions déjà plus là, nous serions disparus dans les terribles épreuves que nous avons traversées... Tout a son temps, il y a un temps pour détruire et un temps pour bâtir... (Qo. 3, 2) 'Il y aura des victimes; moi aussi peut-être. Mais qu'importe. L'essentiel c'est que Dieu soit vainqueur."
A la Saint-Sylvestre, le curé Vranekovic écrit dans son journal: a Même si ce triste état de choses influence douloureusement le Cardinal, cet homme de Dieu transforme tout par sa grande confiance en Dieu et en sa Sainte Mère."
Lorsque le 3 mars 1957, son secrétaire Mijo Pisonic prévint le Cardinal qu'on était en train de nationaliser des immeubles d'habitation et des maisons religieuses, et lui demanda ce qu'il fallait faire; il répondit: "Rien ! Qu'ils emportent!"
De telles mesures du Pouvoir ne pouvaient nullement ébranler sa confiance en Dieu. II répétait souvent: "Surtout, ne nous décourageons pas! Il faut se le redire chaque jour et le dire aux autres. Qui reste près de Dieu, ne peut échouer."
Quelques jours avant S ja. écrivait:
" La garde veille autour de moi jour et nuit. Mais Dieu aussi veille. La seule différence est que la garde veille en vain comme les gardes de la ville, dont parle le psalmiste, si Dieu ne la garde aussi. Les premiers me gardent pour me briser les nerfs et Dieu me garde dans la paix, même si cela augmente la colère et la haine de l'ennemi. Dieu m'a toujours gardé. J'ai confiance en Lui."
Vie pauvre et fervente
"Si je pouvais disposer d'une centaine de vies, je les donnerais pour que vive l'Eglise de Dieu". Cet amour le portait à se pencher studieusement sur son histoire et sur ses missions.
A Krasic il vivait avec une grande simplicité. A l'exemple du Christ, il aimait la pauvreté, il l'appelait a la pauvreté du Christ ". A son arrivée, il refusa le mobilier que lui avait envoyé l'Archevêché et d'autres éléments de confort. Il distribuait facilement aux pauvres ses vêtements et ses chaussures, surtout ce qui était de meilleure qualité. Il gardait pour lui le minimum, raccommodé et reprisé de multiples façons.
Tous lés cadeaux qu'il recevait, tissus ou vêtements, étaient donnés, et sa joie d'offrir égalait la joie de celui qui recevait. Il portait aussi sur lui des cigarettes pour pouvoir en donner, entre autres, à un berger âgé et sourd qui l'attendait et les recevait avec plaisir. Il avait aussi dans ses poches, des bonbons pour les enfants qui étaient souvent habillés pauvrement; il demandait alors aux Soeurs de couper, dans ses affaires, de quoi arranger de petits vêtements. Il leur achetait aussi des chaussures.
En juin 1959, le curé avait noté: "II n'a que le strict nécessaire pour se vêtir. Il donne tout. II vient encore de donner aux pauvres deux paires de chaussures."
Tous les pauvres de Krasic étaient particulièrement ses amis. II aimait parler avec eux.
Il ne supportait pas non plus qu'en sa présence, on dise du mal des autres. Il y coupait court: "S'il vous plaît, ne parlez pas de cela!"
Pardon des offenses
Le Cardinal ne gardait pas rancune à ses gardes; il disait que gagner leur pain n'était pas facile.
En juillet 1958, après une grave maladie, il devait recevoir comme soins urgents et obligatoires, certaines injections d'un médicament qui devait venir de Zrich. Mais à l'aéroport, on refusa d'accepter le petit colis de médicaments pour le Cardinal, arguant la "surcharge", alors qu'il ne pesait qu'un kilo et qu'il restait de la place pour dix passagers! Lorsqu'il l'apprit, le Cardinal demanda qu'on célèbre une Messe pour ceux qui ont rendu impossible l'arrivée de son médicament, car, disait-il, en Croatie catholique on dit, "si on te jette une pierre, tu dormes du pain."
Mme Mila Vod, sculpteur, qui fit le masque funèbre du Cardinal, écrivait à Tito:
"Je tiens à vous dire, Monsieur le Maréchal, que le Cardinal célébra sa première Messe après sa grave maladie pour Tito, soulignant toujours le fait que les communistes sont nos frères, que nous devons les aimer... Je vous écris cela, Monsieur le Maréchal, avec le désir que la prière de notre Cardinal vous apporte vraiment la bénédiction."
Le récépissé, ainsi qu'une copie de cette lettre, se trouvent à l'Archevêché.
Le Cardinal était particulièrement lié avec les enfants, et ceux-ci lui rendaient bien son affection, ils venaient souvent le voir et allaient régulièrement au catéchisme. Il était toujours plein de petites attentions pour eux.
Dans toute l'histoire du peuple croate, on n'a pas connu de cas où une haute personnalité de l'Eglise fut exposée à de telles humiliations. Avec une grande générosité, il passait par-dessus sans se plaindre et pardonnait à ceux qui l'avaient offensé.