Un jour, un malade gravement atteint, fut amené à Krasic chez le médecin. Il désirait aussi se confesser à l'église. Le milicien l'empêcha d'y entrer. A cette vue, une paysanne, outrée, se précipita au poste de la milice pour demander qu'on le laissât pénétrer à l'église. Surpris par cette conduite décidée, le Commandant céda.
Le 9 novembre 1955, à UDBA-a, on battit le neveu du Cardinal pour le forcer à s'enivrer le soir et à placer ensuite une bombe au presbytère qui abritait Mgr Stepinac.
La force d'âme et la patience de ce neveu étaient grandes; il supportait tout avec calme, se confiant à la volonté de Dieu. Il priait beaucoup pour la sauvegarde de sa paix intérieure et de sa liberté d'esprit. Pour ne pas s'emporter lors de ces événements, il demanda à un curé en retraite de célébrer la Messe à cette intention.
Dans une lettre du 13 juillet 1957, adressée à un prêtre, le Cardinal, décrivant ses conditions de vie, concluait qu'il n'y avait guère de différence entre la prison de Lepoglava et la détention surveillée de Krasic. La patience de son comportement ne concordait pas avec la sensibilité de son caractère assoiffé de justice et de vérité, mais elle s'enracinait profondément dans sa foi qui nourrisssait son optimisme.
In Te Domine, speravi!
Au seuil de son épiscopat et de ses fonctions d'Archevêque coadjuteur, en 1934, Stepinac, qui n'avait que trois ans de prêtrise, voyait déjà se dessiner la situation difficile dans laquelle il devrait guider l'Eglise catholique de Croatie; il prévoyait la dictature et l'extension du courant communiste et du matérialisme athée. Il s'attendait à des conflits. Levant alors ses regards vers Dieu, il disait: "In Te Domine, speravi."
C'est dans ces sentiments qu'il acceptait le choix du Pape en sa personne.
Le 19 juillet 1934, l'Archevêque Bauer avait dit à un prêtre: a Stepinac sera victime pour le peuple Croate. p Lui- même avait dit un jour à un collègue allemand venu le voir à Zagreb, au retour d'une visite au Germanicum: "Je suis sûr qu'un jour, je serai obligé de mourir martyr. " Il se comparait à une enclume où venaient frapper les coups de marteau de cet adversaire de l'Eglise qu'est le matérialisme athée. Il lui était même arrivé de se poser la question de savoir s'il devait donner son accord lorsqu'il reçut sa nomination d'Archevêque. Mais il se confortait en pensant que cet accord serait un acte d'obéissance au Saint- Père.
Dans toutes ses difficultés, ce qui le soutenait c'était l'espoir, la confiance en Dieu qui donne à ses enfants la force de porter la charge qui leur incombe. Il savait aussi que Dieu choisit les faibles pour révéler en eux sa force et sa grâce.
A l'occasion de la visite de Mgr Sylvio Oddi, Chargé d'affaires à la Nonciature de Belgrade, le 11 février 1952, l'Archevêque Stepinac réitéra sa grande confiance en Dieu et sa ferme décision: "Mourir, oui, céder, non! Jamais l'Eglise de Croatie ne se séparera de Rome."
La persécution continue
En juin 1952, il disait: "Nous aurons encore des moments très difficiles. Mais : In Te, Domine, speravi... Nous sommes prêts à passer par la famine et à mourir plutôt que de survivre honteusement."
Dans une lettre à un homme qui avait été, en même temps que lui à Lepoglava:
"...Je ne sais pas si je verrai le triomphe de l'Eglise dans notre Patrie. Mais ce dont je suis sûr, c'est qu'ils seront nombreux ceux qui verront une résurrection religieuse telle que l'Histoire n'en a pas encore vécue. Il ne s'agit pas de gloire exté rieure mais d'une résurrection intérieure des âmes, ce qui est la seule chose importante. Le seul danger est la faiblesse de l'âme, la pusillanimité. Il n'y en, a pas d'autre. Qui s est confié à Dieu n'a jamais eu honte. Le Saint-Esprit en est le garant. Si quelqu'un s'étonne de voir tant de force en un pauvre homme comme Stepinac, je peux lui dire que cela vient de la confiance en la Sainte Vierge Marie que j'ai manifestée durant toute ma vie. Une telle confiance, je vous la souhaite à vous et à tous les autres"
Aux deux séminaristes Allemands qui réussirent à venir le voir à Krasic, il déclara:
"Je vais célébrer la Messe pour la jeunesse allemande; en rentrant dans votre pays, dites à vos camarades qu'ils ont devant eux un grand avenir: ce peuple est mûr pour le Christ. Ils ont déjà tout vécu: libéralisme, nationalisme, fascisme, communisme et socialisme! Tout cela est passé, sans succès. Maintenant le Christ seul peut vous: aider. Nous sommes à l'aube de temps nouveaux!"
En 1954, le curé écrit: "Cette année-ci, le Cardinal reçoit les mauvaises nouvelles et les mauvais coups avec plus de force. II est plein d'espoir."
Plusieurs fois Dieu récompensa cette grande confiance d'une manière tout à fait extraordinaire. En janvier 1954, le presbytère manquait totalement de farine, lorsque, subitement, un sac de 45 kg de farine arrive à l'adresse du curé. Presque en même temps, le fisc vint encore toucher des impôts à la maison. Le curé donna ses derniers 7 000 dinars. Après cela, on manquait de tout quand, tout à coup, de l'argent arrive encore à l'adresse du curé. Et ainsi de suite. Dès qu'on manquait de quelque chose, immédiatement, d'une manière imprévue, cela venait de quelque part.