Consistoire du 12-1-53 et allocution du Pape
Le 12 janvier 1953, Pie XII créa officiellement 24 nouveaux Cardinaux en consistoire secret. Le Saint-Père exprima sa joie de les voir tous réunis, mais il fit remarquer avec tristesse l'absence de l'Archevêque de Zagreb:
"Et maintenant, vénérables Frères, au milieu de la joie que Nous éprouvons à vous voir ici devant Nous, Nous ne pouvons Nous empêcher de tourner avec tristesse Notre esprit vers Notre Vénérable Frère, l'Archevêque de Zagreb, auquel il n'a pas été donné, à cause des conditions dans lesquelles il se trouve, de pouvoir, avec libre faculté de retour, venir à Rome, et se rendre auprès du Père commun. Bien qu'absent, Nous l'embrassons avec un amour paternel et Nous désirons vivement que tout le monde sache qu'en décidant de l'honorer de la majesté de la pourpre romaine, Notre unique but a été de récompenser dignement ses éminents mérites, comme aussi de témoigner à sa nation tout entière Notre grande bienveillance, et, notamment, Nous avons voulu apporter éloge et consolation à Nos chers Fils et Filles qui, en ce temps si difficile, professent, avec un courage résolu, leur foi catholique.
Il est, en particulier, bien loin de la vérité de dire que Nous avons décrété de faire entrer ce prélat dans notre Sacré- Collège pour offenser, par une provocation, le gouvernement de la Yougoslavie. Et ce choix ne voulait pas davantage être une réponse au langage très violent par lequel on Nous dénigre ainsi que le siège apostolique. Langage très violent, disons-Nous, que, d'ailleurs, Nous pardonnons de tout coeur et voulons oublier.
Mais Notre conscience ne pouvait Nous autoriser à reconnaître et admettre le fondement des accusations portées contre l'Archevêque de Zagreb, accusations qui, comme vous le savez, allèrent jusqu'à le faire condamner à une peine très grave. En outre, Nous ne pouvions décevoir l'espérance et l'attente des catholiques du monde et d'un bon nombre de non- catholiques, qui ont appris avec une vive satisfaction la nouvelle de l'élévation à la dignité de la pourpre romaine d'un pasteur qui est un exemple de zèle apostolique et de force chrétienne. Du reste, le cardinalat est une dignité purement ecclésiastique, mais les chefs d'Etat et leurs peuples n'en ont pas moins coutume de manifester la plus grande joie lorsqu'un de leurs concitoyens est appelé à faire partie de votre Collège ".
Visites de journalistes au Cardinal prisonnier
Le journaliste de l'Associated Press revint poser d'autres questions. Il trouva le Cardinal allongé, souffrant après une opération à la jambe gauche.
"Il est impossible, déclara le Cardinal, qu'on arrive à un accord entre l'Etat et l'Eglise car, dans un tel cas, le communisme devrait abandonner ses thèses principales et ses règles fondamentales; c est précisément ce qu il ne veut pas. Donc pas d'accord possible."
Des journalistes venaient souvent et prenaient beaucoup de temps au Cardinal. Pourtant il les recevait tous. A la question de savoir s'il envisageait une rencontre avec Tito, il répondit: "Mais, je suis un "criminel de guerre"!"
Colère des communistes
Après la promotion de Mgr Stepinac au cardinalat, la wlère des communistes atteignit son apogée. Les journaux satiriques publiaient des caricatures et des moqueries les plus honteuses. Dans les écoles et les lycées on organisait des réunions anti-Stepinac, on scandait un chant communiste qui ridiculisait et menaçait les prêtres avec les criminels.
Le Cardinal, lui, ne changea rien à sa manière de vivre. Il continua calmement comme auparavant, à oeuvrer par la prière, la souffrance et l'apostolat discret selon ses possibilités.
Le 5 mars, Mgr Stepinac reçut par la poste, son diplôme de Cardinal, dans une double enveloppe de soie. Les enveloppes avaient été déchirées en leur milieu et le diplôme était endommagé sur 3 cm. Le lendemain, on convoqua le Cardinal au Comité national, pour lui demander officiellemeot ce que contenait l'envoi qu'il avait reçu par la poste.
"Pourquoi cette question, leur répondit- il, vous l'avez eu entre les mains et vous avez même déchiré un peu le diplôme."
Au printemps de 1953, la milice interrogeait les paysans pour savoir s'ils voyaient le Cardinal franchir les limites du territoire de Krasic, lors de ses promenades.
Bien gardé!
En novembre de la même année, on renforça le nombre de ses gardiens. Cinq policiers étaient mutés et remplacés par d'autres, plus vigilants. L'un d'eux, un jour où il suivait le Cardinal dans une promenade, lui demanda sa carte d'identité!
"Ma carte d'identité? parce que vous ne me connaissez pas? Je suis Stepinac, sans cesse gardé par vous." Des incidents de ce genre, à la limite du tragi- comique, se succédaient. On renforçait toujours la garde et, en 1954, en la fête de la très Sainte Trinité, ils étaient 30 ! A partir de cette année, la radio annonçait à plusieurs reprises que le sénateur américain Douglas, avait décidé de remettre au Sénat une pétition pour que le Président Eisenhower, en personne, intervienne auprès du gouvernement de Belgrade pour obtenir la libération du Cardinal.
Mgr Stepinac disait au curé de Krasic, que même si c'était l'unique solution pour rétablir sa santé, il n accepterait à aucun prix l'amnistie.