Quand Stepinac rendit le 12 avril une visite au soi-disant chef de l'armée Kvaternik et le 16 avril 1941 au soi-disant Poglavnik (Chef) Pavelic, il a fait ce que ses fonctions exigeaient de lui et ce que d autres ont également fait par devoir. Si l'on compare les positions sociales des uns et des autres, leurs actes respectifs ont la même signification. Et du moment qu'on ne fait pas de reproches aux autres à ce sujet, pourquoi le reproche- t-on seulement à l'Archevêque, pourquoi dénonce-t-on cela comme un crime? Quand on évoque ces deux visites, pourquoi ne souligne-t-on pas que l'Archevêque Stepinac n'a pas assisté, le 13 avril, à l'accueil fait à Pavelic à la gare, où les habitants de Zagreb s'étaient rendus en masse? Pourquoi ne mentionne-t-on pas qu'aussitôt après l'arrivée de Pavelic, l'Archevêque n'a pas chanté le Te Deum, surtout pas dans la cathédrale?
Pourquoi ne se rappelle-t-on pas que Pavelic, en raison de l'attitude de Stepinac envers lui, n'a qu'une seule fois, durant quatre ans d'occupation, assisté à la messe à la cathédrale, et cela quand les Italiens, en 1943, organisèrent une cérémonie à la mémoire du Duc d'Aoste? A cette occasion, ce ne fut ni l'Archevêque ni personne du clergé qui reçut Pavelic à l'entrée de l'église, ce fut le sacristain. Est-ce cela le comportement d'un Archevêque envers le soi-disant chef d'Etat qu'il aurait reconnu, qu'il aurait soutenu et avec lequel il aurait collaboré?
A l'audience on a lu un passage entier de la circulaire que l'Archevêque a, le 28 avril 1941 - c'est-àdire 18 jours après la création du soi-disant Etat Indépendant Croate -, adressée au clergé de l'archevêché de Zagreb; il aurait fallu aussi mentionner les autres passages de la même circulaire, celui-ci par exemple: "Je vous prie et je vous invite à vous efforcer d'agir pour que notre Croatie (non pas l'Etat Indépendant Croate), soit la terre de Dieu, car c'est uniquement ainsi que nous pourrons accomplir les deux tâches que, en sa qualité d'Etat, elle doit exécuter au profit de ses citoyens." Plus loin, il y est dit: "Nous devons rappeler partout et enseigner que l'élan sacré et le noble enthousiasme dans l'oeuvre de l'édification des fondements du jeune Etat de Croatie (non pas une fois de plus, l'Etat Indépendant Croate) soient inspirés par la crainte de Dieu et par l'amour de la loi divine et de ses commandements, car l'Etat croate s'édifiera uniquement sur la loi divine et non sur les faux principes de ce monde." Ce que l'Archevêque sous- entendait par la loi divine n'équivaut-il pas - dans son essence - aux principes les plus nobles observés par les peuples civilisés? Est-ce que l'invocation de la loi divine et des commandements de Dieu signifie collaboration avec l'ennemi, incitation des occupants et des oustachis à leurs activités criminelles? Quel bonheur, si ceux qui étaient les maîtres du pays avaient répondu à l'appel de l'Archevêque! Il serait difficile de trouver quelqu'un qui, se souciant davantage du fond que de la forme, eût fait des reproches au soidisant Etat Indépendant Croate!
Mais ce n'est pas la faute de l'Archevêque si tout a tourné dans le sens opposé à ses paroles, à sa volonté et à ses efforts. Il ne pouvait faire plus que de lancer des appels, admonester, flétrir, sauver et généreusement écarter un mal encore plus grand.
Même ceux qui,possédaient des armes, et tous les autres moyens matériels, n'ont réussi à vaincre Hitler et ses complices, mettant ainsi fin à leurs méfaits qu'au bout de six ans.
Les prêtres et la collaboration
Une bonne partie de l'acte d'accusation énumère les actes que certains prêtres auraient commis sur tout le territoire du soi- disant Etat Indépendant Croate. On en accuse l'Archevêque Stepinac. Cette sorte d'incrimination provient généralement de l'ignorance que l'on a de l'organisation de l'Eglise et du Droit Canon. Elle est basée sur l'opinion erronée, d'après laquelle l'Archevêque aurait pouvoir sur tous les autres Evêques. Cependant, d'après le canon 273, l'Archevêque est investi des mêmes pouvoirs et obligations que chacun des Evêques dans son diocèse respectif. Chaque Evêque, en tant qu'Ordinaire de son diocèse, est complètement indépendant, et l'Archevêque n'a pas le droit d'intervenir dans son domaine. Les prêtres des autres diocèses ne sont par conséquent en aucune manière soumis à l'autorité de l'Archevêque. Celui-ci ne peut exercer aucun pouvoir de contrainte sur leur activité. Pour cette raison - et étant donné que personne n'est responsable des actes d'autrui - l'Archevêque ne peut pas être incriminé pour les actes commis par certains prêtres sur le territoire des évêchés situés en dehors de celui de Zagreb. Et sur le territoire même de Zagreb, il ne possède aucun pouvoir sur l'ordre des frariciscains. De ce pouvoir était investi le provincial fra Modesto Martincic, qui d'ailleurs s'évertue d'une manière peu chrétienne à rejeter sa propre responsabilité sur l'Archevêque, sans d'ailleurs prouver qu'il ait fait lui-même quelque chose de comparable à la noble, généreuse et courageuse activité de l'Archevêque Stepinac. Quant aux actes de certains prêtres, dont on rend l'Archevêque responsable, si un très petit nombre d'entre eux sont du diocèse de Zagreb, on ne peut cependant démontrer que ces prêtres aient commis leurs actes incriminés à l'instigation ou à, la suggestion de l'Archevêque. Toute l'influence de l'Archevêque sur son clergé - directe ou indirecte, par la parole et par l'action - était uniquement inspirée par la noblesse d'esprit, d'ordre moral et conforme à la doctrine chrétienne. Si quelque prêtre s est écarté de la ligne de conduite qui lui a été constamment tracée par l'Archevêque, il est évident que Stepinac n'en est pas responsable, mais que la responsabilité en incombe au dit prêtre.