C'est une possibilité. Dans ce cas, les Evêques sauront ce qui est leur devoir et il ne faudra pas, pour les citer en justice, rechercher des prêtres comme témoins à charge, comme c'est le cas pour moi.
Le parti communiste, mon véritable accusateur
Enfin, je voudrais dire quelques mots sur le parti communiste, qui est en effet mon véritable accusateur. Si l'on pense que nous avons pris notre attitude à son égard à cause d'intérêts d'ordre matériel, on se trompe, car nous sommes restés fermes même après qu'on nous eût appauvris. Nous ne sommes pas opposés à ce que les ouvriers aient des droits plus étendus dans les usines, car c'est dans l'esprit des Encycliques pontificales. Nous n'avons rien contre des réformes justes, mais que les adhérents du communisme nous permettent de jouir des mêmes droits qu'eux, de propager et confesser ce que nous croyons. Les catholiques ont donné leur vie pour obtenir ces droits, et ils continueront à le faire s'il le faut.
Je termine: avec la bonne volonté on peut toujours s'entendre, mais l'initiative doit venir du gouvernement actuel! Ni moi, ni l'épiscopat ne sommes compétents pour des négociations de principe, c'est l'affaire des autorités gouvernementales et du Saint- Siège. En ce qui me concerne moi-même et en ce qui regarde mon procès, je n'ai pas besoin de pitié car ma conscience est tranquille."
International news service du 4 octobre 1946 écrit que l'héroïsme et la calme modestie de l'accusé renversent toutes les accusations mensongères, mais que, dans aucun compte rendu officiel, son discours n'a été publié.
Le 5 octobre a vu défiler au procès 58 témoins à charge contre l'accusé, tous venus d'un territoire éloigné de la juridiction de l'Archevêque. Ils décrivaient le terrorisme des oustachis au moment du passage forcé des orthodoxes au catholicisme. Quand, par la suite, les avocats de la défense voulurent faire parler les témoins de la défense, le procureur a refusé.
Mais Me Politeo a vivement protesté, car outre le refus d'entendre ses témoins, lui-même n'a pu que rarement prendre la parole. "Il n'est pas possible de n'écouter que les témoins à charge! Ce serait insulter la vérité!"
Après une âpre discussion, le président a enfin accepté.
Mais, au lieu de 35 témoins proposés, il n'a voulu en entendre que sept.
Dans la salle d'attente, tous ceux qui étaient venus témoigner de l'innocence de Mgr Stepinac attendaient en vain, pendant des heures. Il y avait le Cardinal actuel Franjo Seper, des orthodoxes professeurs d'université:
Julije Budisavljevic, Dragisic et Negovetic, des médecins, ainsi que l'Evêque orthodoxe Emilijan et quelques prêtres orthodoxes. Mais aucun d'eux n'a pu venir témoigner à la barre...
Le Dr. M. Radetic, médecin-chef de la clinique universitaire à Zagreb, orthodoxe, sauvé et protégé par Mgr Stepinac aux moments critiques du régime précédent, venu pour témoigner, a été mis hors du bureau du procureur avec des insultes. Peu de temps après, il a perdu son poste. Pourtant, une grande partie de ses ennuis et des risques qu'il avait courus sous le régime précédent venait du fait qu'il soignait en secret les partisans du régime actuel. Ceux- ci voulaient à présent se débarrasser de lui parce qu'il disait la vérité. D'ailleurs, tous les témoins de la défense se faisaient insulter.
Le travail des défenseurs de Mgr Stepinac était entravé par la crainte de vengeance de la part du parti communiste. Me Politeo prit le premier la parole de la défense, essayant courageusement de parler malgré les menaces suspendues sur sa tête, mais choisissant prudemment et soigneusement les termes de son discours.