Vous m'accusez d'être l'ennemi de l'Etat et des autorités nationales. Alors, dites-moi, je vous prie, qui représentait l'autorité pour moi en 1941? Le putchiste Simovic à Belgrade, ou bien les traîtres, comme vous les appelez, de Londres, ou ceux de Jérusalem, ou encore vos autorités du maquis, ou enfin l'autorité ici à Zagreb? Mieux encore, en 1943 et 1944, l'autorité se trouvait-elle à Londres ou dans le maquis? Vous représentez pour moi l'autorité depuis le 8 mai 1945. Est-ce que je pouvais à la fois vous obéir à vous qui étiez dans le maquis et à ceux qui étaient à Zagreb? Peut- on servir deux maîtres à la fois? Ce n'est pas possible, ni en morale catholique, ni en droit international, comme non plus en droit humain tout court. Nous ne pouvions pas ignorer l'autorité suprême de l'Etat, même si elle émanait des Oustachis, car elle était installée ici. Vous avez le droit de m'interroger sur mes actes et de juger de ma responsabilité mais seulement à dater du 8 mai 1945.
Vous n'avez aucune preuve de mes actes terroristes et d'ailleurs personne ne pourra ajouter foi à ce que vous avancez. Si Lisak, Lela Sopijanec et d'autres venaient me voir sous un faux nom, ou si je recevais des lettres que je pouvais à peine lire, si c'est de ma faute que les gens venaient me voir alors j'attends calmement votre verdict. Si j'ai donné un laissez-passer au prêtre Maric, je n'ai rien à me reprocher, ma conscience est tranquille, car je n'avais aucune intention de faire quoi que ce soit contre le Régime; je pourrai mourir l'âme en paix.
Que vous me croyiez ou non, cela n'a pas d'importance. L'accusé, archevêque de Zagreb, sait non seulement souffrir, mais aussi, s'il le faut, mourir pour ses idées!
Le Président du Gouvernement lui- même, Vl. Bakaric, avait dit au prêtre Milanovic: "Nous sommes sûrs que derrière toutes ces actions se trouve l'Archevêque, mais nous n'avons aucune preuve".
C'était clair pour moi.
La persécution religieuse
Et maintenant, en quoi consiste tout le conflit, nos difficultés et pourquoi la situation n'arrive-t-elle pas à s'apaiser?
Le Procureur général a affirmé tant de fois que nulle part ailleurs il n'y a autant de liberté de conscience qu'ici, dans cet Etat.
Je me permets de citer seulement quelques faits, qui prouveront le contraire.
J'affirme de nouveau devant tous que 260 à 270 prêtres ont été exécutés par le Mouvement national de libération. Dans aucun Etat civilisé du monde autant de prêtres n'auraient été ainsi punis pour les fautes que vous leur avez reprochées. Voilà par exemple le cas du curé Burger, de Slatina. Si encore, à titre d'ancien membre de Kulturbund, vous l'aviez condamné à huit ans de détention par exemple, on pourrait le comprendre mais vous l'avez condamné à mort et vous l'avez exécuté parce qu'il avait transporté, comme doyen, les objets liturgiques de l'église voisine de Vocin, ce qui était d'ailleurs son devoir.
J'affirme de nouveau: dans aucun autre Etat civilisé on n'aurait agi de la sorte. Le prêtre Povoljnjak a été assassiné sans jugement comme un chien dans la rue. On a agi de la même manière avec des religieuses accusées. Dans aucun autre pays civilisé on ne les aurait condamnées à mort, mais tout au plus, à la prison. C'est une grave faute de tactique d'avoir exécuté des prêtres. Le peuple ne,1'oubliera jamais.
Nos écoles catholiques, qui nous ont coûté tant de sacrifices, nous ont été confisquées. On empêchait l'enseignement dans nos Séminaires. Cette année, nous n'aurions pas pu reprendre les cours si nous n'avions pas reçu de l'Amérique sept wagons de matériel. Les élèves des Séminaires sont tous des enfants de nos paysans les plus démunis et, par la force, vous avez confisqué tous les biens des Séminaires. Vous avez fait tout autant que la Gestapo qui a pris au Séminaire la propriété Mokrice. Nous ne sommes pas opposé à la réforme agraire, mais il fallait s'entendre avec le Saint- Siège.
Le fonctionnement de nos orphelinats est rendu impossible. Nos imprimeries sont détruites et je ne sais pas s'il en existe encore. Notre presse, que vous avez tant attaquée ici, n'existe plus. N'est-ce pas un scandale d'affirmer que nulle part ailleurs l'Eglise n'est aussi libre qu'ici? Les Dominicains ont fait imprimer un livre religieux que j'ai traduit du français, et les frais s'élevaient à 75 000 dinars.
L'impression terminée on a refusé de leur remettre les livres. Est-ce cela la liberté de la presse?
La Société littéraire croate Saint- Jérôme a disparu.
Ceci est un grave délit envers le peuple, car c'était une de nos plus importantes institutions culturelles.