"A tous les chefs d'accusation contre moi, je réponds que ma conscience est tranquille, même si cela fait rire l'auditoire. Je n'ai pas l'intention de me défendre ni de faire appel contre votre verdict.
Pour mes convictions, qui émanent d'une conscience en paix, je suis capable de supporter les moqueries, le mépris et l'humiliation, je suis même prêt à mourir à tout instant.
On a répété ici des centaines de fois: "accusé Stepinac". Mais personne n'est naïf au point de ne pas comprendre que derrière cet "accusé Stepinac ", se trouve assis au banc des accusés l'Archevêque de Zagreb, représentant de l'Eglise catholique en Yougoslavie. Vous avez vous-mêmes tant de fois fait appel au clergé, ici présent, pour qu'il exprime la culpabilité de Stepinac en ce qui concerne l'attitude du peuple et du clergé. Car Stepinac, par sa seule personne, ne peut pas avoir une telle influence, donc il s'agit bien de l'Archevêque.
Voilà déjà dix-sept mois que je suis attaqué par la voie de la presse et en public; depuis douze mois je suis interné dans ma résidence épiscopale.
"Rebaptême" des orthodoxes
On m'accuse d'avoir rebaptisé des Serbes orthodoxes. Déjà le terme est faux, parce que celui qui a été une fois baptisé n'a pas besoin d'être rebaptisé. Il s'agit du passage à une autre confession.
Je n'entrerai pas dans les détails, mais je déclare que ma conscience est tranquille et qu'un jour l'histoire portera son jugement. Il est vrai que j'étais obligé de muter des curés que les orthodoxes menaçaient de mort, parce qu'ils retardaient les conversions au catholicisme, et les Serbes voulaient les tuer. Mais il est exact aussi que, durant les années de la guerre, l'Eglise connaissait un tas de difficultés, tout en venant, par tous les moyens, en aide au peuple serbe.
Monsieur le Président m'a montré le document témoignant que j'ai réclamé le monastère orthodoxe inhabité qui était, au départ, la propriété de notre ordre des Pavlins, situé à Orahovica. Je voulais y installer les Trappistes chassés par les Allemands de Rajhenburg. Je considère qu'il était de mon devoir d'aider nos frères Slovènes que les soldats d'Hitler avaient contraints à l'exil.
"Délit grave" - Ordinatre des armées
On me reproche comme délit grave d'avoir exercé la charge d'Ordinaire des armées. Le Président du tribunal m'avait demandé si je ne considérais pas comme un acte de trahison envers la Yougoslavie le fait d'entrer en rapport avec l'Etat Croate Indépendant. Mais j'étais déjà l'Ordinaire militaire sous l'ancienne Yougoslavie. Pendant les huit ou neuf dernières années j'ai essayé de régler la question de l'Ordinariat militaire. Mais il ne me fut pas possible d'arriver à une solution définitive. Finalement, cela fut juridiquement réglé en Yougoslavie par un Concordat obtenu difficilement, mais ce règlement ne fut pas effectif car, après sa ratification au Parlement, il fut rendu caduc dans les rues de Belgrade.
Vers la fin de la guerre Yougoslavie- Allemagne, je devais procurer l'aide spirituelle aussi bien aux soldats catholiques de l'ancienne armée yougoslave qu'aux soldats de l'Etat Croate Indépendant, nouvellement créé. Car si un Etat s'effondre, les soldats, eux, restent et nous étions obligés de tenir compte de cette situation.
Les droits du peuple croate
Je n'ai donc pas été persona grata ni pour les Allemands ni pour les Oustachis. Je ne faisais pas partie des Oustachis et je ne leur ai pas prêté serment comme l'ont fait quelques-uns de vos fonctionnaires, ici présents. Par plébisciste le peuple croate s'est déclaré être pour un Etat croate, et je serais homme de rien si je n'avais pas senti battre le pouls de mon peuple, dont les conditions de vie étaient celles d'un esclavage dans l'ancienne Yougoslavie. J'ai affirmé, en effet, que l'avancement dans les carrières militaire ou diplomatique n'était possible pour les Croates que s'ils changeaient de religion ou s'ils épousaient des orthodoxes. C'était la base et la matière de mes sermons et de mes lettres pastorales.
Quand j'ai parlé du droit du peuple Croate à la liberté et à l'indépendance, tout a été en accord avec les principes essentiels des Alliés soulignés à Yalta et dans la Charte de l'Atlantique. Si, d'après de telles conclusions, chaque peuple a droit à son indépendance, pourquoi ce droit serait-il refusé au seul peuple Croate? Le Saint-Siège a tant de fois souligné que les petites nations et les minorités nationales ont droit à la liberté. Est-ce qu'un Evêque et Métropolite catholique n'a pas le droit d'en parler? Nous mourrons s'il le faut pour avoir fait notre devoir. Si vous croyez que le peuple croate est satisfait de son sort, ou si éventuellement, vous lui donnez une autre occasion de s'exprimer, je n'y mettrai pas obstacle. J'ai respecté et je respecterai toujours la volonté de mon peuple.