Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 12/23

C. Dolbeau
Orné d'or, de pierres précieuses et de reliques (50), il se compose de deux manuscrits distincts et autographes, l'un en écriture cyrillique et l'autre en caractères glagolitiques ou illyriens. L'explicit de cette seconde partie du livre fournit quelques renseignements sur sa rédaction : "L'an du Seigneur 1395, est-il dit, ces Evangiles et Epîtres sont écrits en langue slavonne. Ils doivent être chantés durant l'année, pendant que l'abbé officie pontificalement. Quant à la première partie de ces livres, elle est suivant le rite ruthénique ; elle a été écrite de la propre main de Saint Procope, abbé. Et ce texte ruthénique fut offert par feu Charles IX, empereur des Romains, aux Slavons de ce monastère-ci et en l'honneur de Saint Jérome et de Saint Procope" (51). Ceci parait éclairer de façon satisfaisante l'origine de la partie la plus ancienne de l'évangéliaire qui remonterait donc au XIe siècle, époque où Procope vivait en Bohème (52) ; quant au texte glagolitique, peut- être calligraphié sur l'île de Krk ou dans un monastère tchèque, son rédacteur demeure anonyme, et il n'est pas déraisonnable d'y voir la probable facture d'un scribe croate...(53)

Des savants croates à Paris

A la charnière entre le XVIe et le XVIIe siècle, on trouve un scientifique assez exceptionnel, Marin Getaldić ou Ghetaldi (15661626) qui séjourne longuement à Paris pour y poursuivre des recherches de mathématiques aux côtés de François Viète. Elève de Clavius et de Michel Coignet, Getaldić est l'ami de Grinberg et d'Anderson (54), et le correspondant régulier de Galilée. Parallèlement à l'édition de certains travaux de Viète qu'il complète parfois (notamment dans "Supplementum Apollonii Galli"), il publie plusieurs ouvrages qui annoncent les découvertes de Descartes, Fermat et Desargues (55). Passionné par Apollonios de Perga, il lui consacre deux livres (56) mais son oeuvre majeure reste le fameux "De resolutione et compositione mathematica", un ouvrage posthume (1630) dans lequel il se pose en pionnier de l'application de l'algèbre à la géométrie. Getaldić n'est pas le seul savant croate à venir en France ou à entretenir des relations priviligiées avec les milieux intellectuels français. Pionnier de la dissection et auteur du "De praxi medica" (1696), le célèbre médecin Georges Baglivi (1668-1707), professeur au Collège de Sapience et archiatre du Pape, acquiert, lui-aussi, une réputation si flatteuse que l'Académie Française l'adopte comme membre d'honneur. Il précède de quelques lustres son compatriote ragusain Anselme Banduri (1675-1743) qui s'illustre dans la numismatique antique et entre à l'Académie des Inscriptions et Médailles en 1715.

Recommandé par Cosme III de Médicis, grand-duc de Toscane, à Mabillon et Montfaucon qui l'accueillent en 1702 à l'abbaye de Saint Germain-des-Prés, Banduri commence par susciter l'enthousiasme de ses protecteurs. "Les beaux talens de ce religieux, écrit Montfaucon (18 septembre 1712), sont connus de tout le monde...

50. Ces incrustations ont été volées durant la révolution de 1789.

51. Evangéliaire slave dit Texte du Sacre - Notice et éclaircissements par Louis Paris, Librairies Didron et Techener, Paris 1852.

52. Sans parler de Jemej Kopitar qui pensait que le manuscrit avait pour auteur Saint Méthode soi- même ("Glagolita Golzianus"), la présence à Reims de cet évangéliaire a donné naissance aux hypothèses les plus rocambolesques. Selon l'abbé Pluche, le lectionnaire provenait d'Ebbon, custos de la bibliothèque de Louis le Débonnaire ; certains, en revanche, soutenaient qu'il avait été offert par Anne de Kiev à Roger, évêque de Châlons, quand il vint la chercher pour la conduire à Henri Ier ; Dobrowski pensait, quant à lui, qu'il avait été donné, vers 1250, à l'archevêque de Reims par Hélène d'Anjou, reine de Serbie ; d'autres, enfin, prétendaient que les Croisés l'avaient découvert lors du pillage de Constantinople et que Baudoin l'avait offert à Guillaume aux Blanches Mains, archevêque de Reims.

53. On sait, en effet, que depuis le IXe siècle, des clercs croates travaillaient en Bohème et en Moravie.

54. Né à Aberdeen, Alexandre Anderson enseignait les mathématiques à Paris ; disciple de Viète, il en a édité quelques oeuvres posthumes. En 1612, il publie "Supplementum Apollonii redivivi" qui complète certains travaux de Getaldić.

55. II s'agit de "Promotus Archimedis", "Nonnullae propositiones de parabola" et "Variorum problematum collectio".

56. Apollonius redivivus seu restituta Apollonii Pergaei inclinationum geometria" (1607) et "Apollonius redivivus seu restitutae Apollonü Pergaei de inclinationibus geometriae, liber secundus" (1613).

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