Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 4/23

C. Dolbeau
Il est bien conseillé par le jésuite Roger-Joseph Boskoviĉ (1711-1787), célèbre astronome, ami du mathématicien Clairaut, de Lalande, de Buffon, de l'Abbé Nollet et de La Condamine. Installé en France en 1773 (il y avait séjourné en 1759 et en 1769), Boskoviĉ va y demeurer neuf ans ; nommé directeur de l'Optique Militaire de la Marine avec un traitement de 8 000 livres, il est naturalisé français et donnera à son pays d'adoption le télescope achromatique et le micromètre objectif. Esprit curieux et fin diplomate, Boskoviĉ est certainement l'un des hommes les mieux informés de son époque ; en relation avec les confesseurs polonais de la reine Marie, il connait le Dauphin Louis (1729-1765) et ses enfants, jouit de la protection du puissant archevêque Malvin de Montazet (13) et fréquente les ministres les plus influents (Choiseul, Vergennes). Bien qu'il ne soit retourné à Raguse qu'une seule fois (en 1747), Boskoviĉ reste en contact permanent avec les autorités et les émissaires de la République. Il voit fréquemment l'ambassadeur Favi, mais aussi le franciscain Frano Sorkoceviĉ Bobaljeviĉ (Sorgo Bobali) qui se multiplie, lui-aussi, dans la bonne société parisienne. Protégé du cardinal De Luynes (14) et du cardinal De Rohan, Sorkoceviĉ Bobaljeviĉ s'est également lié à CharlesGuillaume Le Normant d'Etioles, l'ex-mari de Madame de Pompadour, et au Marquis de Menars de Marigny (1727-1781), le frère de la favorite.

Après avoir courtisé les milieux les plus conservateurs par l'intermédiaire de Boskoviĉ et de Sorkoceviĉ, Raguse s'adapte parfaitement aux évènements révolutionnaires qui bouleversent la France à partir de 1789. Débarqué à Paris en pleine Terreur, son nouveau représentant, Tomo Basiljeviĉ (1756-1806) se retrouve vite dans la mouvance de Mirabeau (15). Quittant la France au terme de sa mission d'information et au lendemain de l'exécution de Robespierre (10 Thermidor ou 28 juillet 1794), il s'arrête à Vérone pour s'y entretenir secrètement avec Monsieur le régent, futur Louis XVIII, avant de regagner définitivement sa petite patrie.

La Croatie napoléonienne (1806- 1813)

La révolution de 1789 a peu d'impact direct en Croatie où les populations sont plutôt hostiles aux excès anticléricaux que mettent en relief les ennemis de la France. Il existe néanmoins des petits cercles qui se montrent sensibles aux idées jacobines et à la contagion révolutionnaire. Ainsi, en 1789, un poème anonyme est-il affiché à Zagreb, sur un "arbre de la liberté", poème dont la première strophe traduit une évidente francophilie:

"Pour quelle raison les Croates iraient- ils
Faire la guerre aux Français
Qui ne nous ont jamais oppressés
Comme tant d'autres l'ont fait"
(16)

Des conspirations naissent un peu partout, comme en témoigne le suicide à Budapest, le 4 février, d'un certain Josip Kralj qui ne voulait pas tomber vivant aux mains de la police (17). Quoi qu'il en soit, la France, hormis peut- être par le biais des loges maçonniques, n'est pas directement responsable de ce phénomène. En fait, il faut attendre Bonaparte et même Napoléon pour retrouver des évènements significatifs, avec notamment l'intervention militaire française en Dalmatie (1806).

En 1797, la prise de Venise par les Français soulève la colèrè des Dalmates qui haïssent les "Jacobins" ; le 18 juin, le consul de France à Sibenik, Bartolomeo Zulatti, est assassiné, on fait la chasse aux "démocrates", et l'armée autrichienne entre en Dalmatie où elle va rester jusqu'en 1806. Le 26 décembre 1805, c'est la Paix de Presbourg et la chute de l'Autriche : la Dalmatie échoit à l'Italie, les généraux Molitor et Lauriston sont chargés d'appliquer l'accord. Ils entrent le 16 février 1806 à Knin et le 18 à Zadar où le général Dumas annonce officiellement aux Dalmates qu'ils sont devenus sujets de l'empereur des Français, roi d'Italie (proclamation du 19 février).

13. Antoine Malvin de Montazet (1713-1788) fut élu à l'Académie Française en 1756, et devint archevêque de Lyon en 1758.

14. Louis-Charles d'Albert, duc de Luynes (1703-1788) était le premier aumonier de Madame la Dauphine. Astronome et physicien de renom, il était membre de l'Académie Française et de l'Académie des Sciences. II passait pour être le protecteur des jésuites.

15. Ce rapprochement fut peut-être facilité par le fait que Boskoviĉ avait été l'ami de Victor Riquetti de Mirabeau (1715-1789), le père du révolutionnaire.

16. Cité par Matos, n°5 - 1986, p. 20.

17. Les conspirations "jacobines" les plus importantes et les plus connues furent celles de Hebenstreit (Vienne, 1793) et de l'abbé Martinoviĉ (Hongrie, 1795).

INDEX| HOME| CONTINUE

______________________________________
Studia Croatica Studia Croatica Blog Croatian Culture Hrvatska Kultura Videos by Studia Croatica Studia Croatica - Facebook Studia Croatica - Twitter www.croacia.com.ar Adriana Smajic Glagol Press