Cardinal Stepinac
LE CARDINAL STEPINAC: Martyr des droits de l'homme
M. Landercy

CHAPITRE IX: STEPINAC EN PRISON ET EN DETENTION

Lepoglava

Le 19 octobre 1946, Mgr Stepinac franchit le seuil de la prison de Lepoglava, appelée Maison de redressement. Il fut, dès lors, séparé du monde pendant cinq ans.

La maison de détention de Lepoglava est entourée de grandes murailles hérissées de postes d'observation tous les 40-50 mètres remplis de gardiens armés. A l'intérieur, des centaines de prisonniers politiques sont détenus.

Dès leur arrivée, on les faisait entrer dans une pièce appelée "quarantaine", où chacun devait trouver une place sur le sol mouillé, car il n'y avait pas de lits.

John I. Pintar, Croate, citoyen des U.S.A., a été détenu à Lepoglava en même temps que l'Archevêque. Plus tard, il publia un livre sur le communisme en Yougoslavie: "Four Years in Tito's Hell". Il se penche avec commisération sur l'immense souffrance physique et morale des prisonniers, détenus dans des conditions inhumaines.

La personne de Mgr Stepinac devint, pour tous ces pauvres gens, le symbole de l'espoir et un modèle de force physique et morale. Ils le voyaient faire sa promenade tête haute, dans sa soutane noire, prier à midi devant tous. Ils se recueillaient avec lui et trouvaient la force de ne pas sombrer dans le désespoir.

Dès son arrivée, l'Archevêque fut mis dans urie cellule à part, sans passer par la quarantaine. Dans des pièces voisines de sa cellule, vivaient d'autres détenus dans des conditions misérables, avec le "confort" le plus rudimentaire.

La direction avait installé une petite pièce avec un bel autel en chêne brut pour être la chapelle de Monseigneur. Dès le début, l'Archevêque occupa son temps en apprenant l'anglais. Mais après peu de temps, on lui confisqua ses livres d'anglais!

Sa nourriture était meilleure que celle des autres détenus; elle était préparée à l'extérieur par une femme orthodoxe.

La direction fit quelques efforts pour qu'on soit aimable envers lui; elle essaya de lui rendre de petits services. Mais telle n'était pas l'attitude de tous les gardiens. Certains, sadiques et brutaux, l'injuriaient lorsqu'ils le rencontraient.

Tout ceci est relaté par J. Pintar, le proche voisin qui entendait tout. Mgr Stepinac ne répondait jamais, pas plus que dans ses promenades où les gardiens le couvraient souvent d'insultes. Lorsqu'il recevait un colis, un de ces gardiens rendait le contenu incomestible, émiettant les gâteaux, pressant les citrons, coupant en petits morceaux les saucissons "pour voir" s'il ne s'y trouvait pas un message caché, secret, ou bien gardait le colis plusieurs jours, par les chaleurs, jusqu'à ce que la nourriture soit devenue infecte. Il lui remettait alors le colis dans un état lamentable. Souvent la nuit, certains gardiens entraient dans sa chambre pour l'insulter et l'humilier avec l'intention visible de troubler son sommeil. Comme il ne répondait jamais mais supportait tout en silence, son comportement les désarma, et, petit à petit, ces faits de véritable torture morale cessèrent.

En avril 1948, le commandant de la prison, qui était l'instigateur du comportement des gardiens, fut muté, et son remplaçant fit régner un peu plus d'ordre.

L'Archevêque partageait son temps entre la prière, la pénitence, la lecture et l'écriture. Tous les jours, il célébrait la Messe à 6 heures, puis faisait des traductions et écrivait des sermons. En lisant, il prenait des notes.

Au début, il eut le droit de prendre un bain. On l'y conduisait et on veillait à ce qu'il ne rencontre pas d'autre détenu sur la route. Mais un jour, en rentrant du bain, il y avait quelques détenus dans le couloir; immédiatement on les obligea à tourner le dos à l'Archevêque qui passait, et à croiser les bras dans le dos. "Merci de votre bain, je n'en veux plus", a simplement dit le Prélat. Et depuis ce temps, il faisait sa toilette avec une serviette mouillée, dans sa chambre.

Un jour, un prêtre, détenu dans une cellule voisine ayant perdu l'équilibre psychique, se pendit. Mgr Stepinac le trouva encore chaud et demanda au gardien d'aller lui chercher les saintes huiles à l'église, pour donner au malheureux les derniers sacrements. Le gardien le fit, mais il perdit son emploi. En partant, il déclara: "Jusqu'ici Mgr Stepinac s'est fait quelques amis, mais maintenant il en aura des milliers."

Si quelqu'un essayait de lui parler, comme le fit un dentiste détenu lui aussi, on l'envoyait au cachot pour un mois.

A Noël 1948, la direction autorisa quelques prêtres prisonniers à partager le repas de l'Archevêque. Chacun, à leur tour, célébrèrent la Messe et ainsi passèrent la fête dans la prière et la méditation. A midi, on entendait les détenus chanter des cantiques de Noël.

L'Archevêque était à ce point coupé du monde extérieur qu'il ignorait tout ce qui se passait au-delà des murs de sa prison. C'est ainsi qu'il fut très surpris un jour de voir disparaître de sa cellule la photo de Staline.

Sa mère vint le voir avec une de ses soeurs, Stefania, à deux reprises, en 1947, le 5 mai et le 17 juillet. Souriant et heureux de les voir, il disait à sa mère de ne pas se tourmenter, que ce qui compte dans la vie, c'est la volonté de Dieu. Elle mourut à la fin de cette même année. Sa soeur Stefania continuait à lui rendre visite chaque mois. Monseigneur lui demanda, au cas où il lui arriverait de mourir à Lepoglava, de ne pas transporter son corps pour l'enterrer ailleurs.

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