FRANCE - CROATIE | 19/23 |
L'Illyrie et ses différentes provinces restent cependant le sujet de prédilection des auteurs français parmi lesquels les militaires ne sont pas en reste ; plusieurs d'entre eux (Marmont, Fabvier, Tromelin, Vialla de Sommière) publient, en effet, leurs souvenirs de garnison. Certains administrateurs civils font de même, comme cet Amédée Massé, secrétaire du général Bertrand, qui a laissé des "Souvenirs de mon séjour en Illyrie et de mes voyages avec le général comte Bertrand, gouverneur des provinces Illyriennes, en 1812, 1813 et 1814". Partiels et souvent très partiaux, ces témoignages fournissent une profusion de renseignements, mais il faut attendre la fin du siècle (1893) pour que la Dalmatie napoléonienne fasse enfin l'objet d'une étude scientifique exhaustive, grâce au chanoine Paul Pisani qui publie "La Dalmatie de 1797 à 1815" (Editeur Picard et fils, Paris). Signalons également, pour mémoire, les ouvrages de Charles- Emile Yriarte ("Les bords de l'Adriatique et le Monténégro", Hachette 1878), de Stanislas de Nolhac ("La Dalmatie", Plon 1882) et du vicomte Caix de Saint-Aymour ("Les pays sud-slaves de l'Austro- Hongrie", Plon-Nourit 1883), ainsi que les nombreux articles de la "Revue des Deux Mondes" (par Hyppolite Desprez, Georges Perrot, Albert Dumont, etc).
Du côté des écrivains, l'Illyrie est également une source d'inspiration. Directeur pendant quelques mois du "Télégraphe Illyrien" (92), le journal officiel des provinces françaises, Charles Nodier (1780-1844) se signale tout de suite comme un ami du peuple et de la culture croates.
90. Il est intéressant de comparer le portrait (du Bosniaque) que dresse Chaumette des Fossés avec celui (de l'habitant des confins) que signe Albert Dumont, cinquante ans plus tard ("Souvenirs de l'Adriatique", in Revue des Deux Mondes" du I er octobre 1872, pp. 685 - 686) : "Le paysan slave n'a jamais eu à redouter le contact de la civilisation. Les villes de la côte tenaient à ce qu'il restât barbare : telle était aussi la politique de Venise ; elle rendait ainsi impossible la réconciliation entre la noblesse et les habitants des campagnes, elle maintenait sur les confins ottomans une population sauvage qui était son meilleur rempart contre les Bosniaques. Ce paysan, le morlach', comme on l'appelle d'un mot dont le sens est incertain, mais qui parait signifier les Valaques de la mer, n'a jamais rien appris ; il en est encore aux moeurs des premiers jours, pauvre, courageux, ami de l'indépendance, fier des riches couleurs de son costume, de ses broderies faites par les femmes à la maison, de son fusil qu'il ne quitte jamais. Grand, élégant, la taille bien prise, les jambes serrées dans un pantalon collant qui s'arrête aux genoux, les pieds chaussés de l'opanké, morceau de cuir de boeuf noué avec des lanières, la petite veste aux manches flottantes sur les épaules, la toque de soie rouge sur la tête, il semble être un personnage détaché des tableaux vénitiens..."