FRANCE - CROATIE | 9/23 |
Le chapitre précédent nous a permis d'évoquer certains évènements et certains personnages qui ont spécialement marqué les relations entre la France et la Croatie au plan diplomatique et politique. Ce rapide panorama ne serait pas complet si nous omettions de nous intéresser aussi aux relations culturelles, c'est à dire à la littérature, aux sciences et aux arts, trois domaines où les échanges se sont, très tôt, développés...
Au Moyen-Age
Nous savons que les Français et
les
Croates se sont rencontrés pour la
première fois lors du passage en
Dalmatie
de la lère Croisade (1096-1097),
et que
ce fut exclusivement l'occasion de
s'affronter les armes à la main.
La
venue, en 1202, de la IVe Croisade ne
marque aucun progrès (pillage de
Zadar),
et les chroniqueurs (Villehardouin) ou
les trouvères (Conon de
Béthune, Gui de
Couci) se bornent à nous rapporter
des
exploits guerriers. Il est
néanmoins
permis de penser que c'est bien au XIIe
siècle que l'influence
intellectuelle
française commence à se
faire sentir, par
le biais de jongleurs ("joculatores") qui
sillonnent l'Italie, y croisent et y
côtoient leurs homologues
croates (35),
avant de poursuivre leurs voyages vers
les Cours de l'intérieur des
Balkans. Il
y a aussi les gyrovagues qui parcourent
toute l'Europe en y
colportant un peu de la culture de leurs
régions d'origine
(36), et, bien
sûr, les
quelques érudits que le goût
de
l'aventure a conduits sur les rives de
l'Adriatique (37).
C'est au XIIe siècle, par exemple,
que
les premières saynètes
françaises
atteignent le diocèse de Zagreb,
convoyées par des
ecclésiastiques. Il
s'agit de représentations
liturgiques
destinées à divertir et
à édifier les
fidèles, d'offices
dramatisés que l'on
célèbre sur le parvis des
églises. Selon
les médiévistes, ces
pièces ont
vraissemblablement été
introduites en
Croatie par des bénédictins
ou des
cisterciens de passage, comme ce "Tractus
Stellae", joué à
l'Epiphanie, et qui fut
présenté pour la
première fois à Rouen
sous le titre de "Stellae Officium". Ces
bénédictins sont
également à l'origine de
l'adoption par le clergé croate du
rite
liturgique dit "gorziensis", qui fut
introduit en Hongrie au début du
XIe
siècle par l'abbé Ricard,
un moine de
l'abbaye de Gorze (près de Metz,
en
Moselle) (38).
A propos de la même
époque,
certains spécialistes
évoquent aussi
l'influence, supposée plus que
vraiment
démontrée, qu'auraient eue
les Bogomiles
de Bosnie sur les Cathares du Sud-Ouest
de la France et les Patarins de
Lombardie. Dans une lettre de 1223, le
légat du pape Conrad d'Urach s'en
prend
par exemple à
l'évêque albigeois
Barthélémy de Carcassonne
et aux
hérétiques qui ont reconnu
comme pontife
"un hérésiarque
résidant sur le
territoire des Bulgares, en Croatie et
Dalmatie" (39).
35. C'est probablement à l'un
de ceux-ci que pense Dante Alighieri lorsqu'il
évoque "Qual è colui che forse di
Croazia / viene a veder la Veronica Nostra /
che per l'antica fame non sen sazia" (Paradiso, XXXI
, 103-105).
36. Le moine franc Gottschalk, qui
vécut
au IXe siècle, est un bon exemple
de ces
gyrovagues. Venu de l'abbaye d'Orbais
(près de Chateau-Thierry), il
aborda en
Dalmatie vers 846-847 et y assista aux
batailles que se livraient alors le roi
des Croates Trpimir I et les Byzantins.
Cf. Benediktinac Gottschalk iz Orhaisa na
dvoru Kneza Trpimira I, Bozidar Vidov,
Toronto 1984 ; Gottschalk, hôte de la
Croatie médiévale, Ch.
Dolbeau, Matos n°
6-1985.
37. Thomas l'Archidiacre ("Historia
Salonitanâ') mentionne par exemple
un
certain Adam, "quidam parisiensis", qui
vécut quelque temps à Split
(fin du XIe
siècle) où il travailla
à la mise en
forme poétique de vieilles
chroniques
locales.
38 Cf. Les mots d'emprunt
français en croate, Branko
Franoliæ, NEL,
Paris 1976, p. VII.
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Adriana Smajic
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