Christophe Dolbeau: France-Croatie
FRANCE - CROATIE 7/23

C. Dolbeau
Dans le domaine militaire, l'occupation française se traduit par la mobilisation, souvent laborieuse, de plusieurs milliers de recrues illyriennes. Outre la création d'une "Garde Nationale", destinée à défendre le pays en l'absence de l'armée régulière, et le renforcement des "Pandours" (gendarmes locaux), Marmont procède au recrutement de plusieurs unités de ligne. Le 31 mai 1806, un décret de Napoléon ordonne la création d'une "Légion Dalmate" de 2 700 hommes (volontaires et tirés au sort) dont l'instruction est confiée au général Miloseviĉ. L'incorporation des recrues entraîne immédiatement la fuite de nombreux jeunes gens en Autriche ou en Turquie, et l'insurrection en chaîne de plusieurs villages. Le 9 décembre 1807, un second décret ordonne la levée de 1750 conscrits afin de compléter les effectifs de cette légion ; en janvier 1808, les recrues gagnent Mantoue et Demonico pour y effectuer leurs classes, avant de rejoindre (avec beaucoup de désertions) la garnison de Kotor. A la création des Provinces Illyriennes, l'unité ne compte plus que 1 600 hornmes, et un décret du 16 novembre 1810 la transforme en régiment "Royal Illyrien". En garnison sur les voies de communication de la Grande Armée, le régiment est dissous le 20 novembre 1814 ; trois de ses bataillons sont alors envoyés sur l'île d'Oléron et incorporés au 2e Régiment Colonial pour y servir comme pionniers.

Une autre unité, constituée dans des circonstances similaires, connaît un sort comparable : il s'agit d'un régiment de hussards, formé à Karlovac en 1813, dissous quelques mois plus tard (le 25 novembre, à Lyon), et dont les recrues sont tranférées à Bourges pour y constituer un bataillon de pionniers.

En vérité, les meilleures formations sont celles qui regroupent des soldats de métier, c'est à dire celles qui proviennent essentiellement de la Croatie Militaire. Dignes héritiers de l'ancien "Royal Cravate", ces régiments vont se rendre célèbres en Russie et y faire moisson de Légions d'Honneur. L'une de ces unités (le 1er régiment - 13e division) se fait remarquer au combat d'Ostrowno (25 juillet 1812) et à la grande bataille de la Moskova (6-7 septembre 1812) sous les ordres du général Delzons-(31). Le 15 septembre, les Croates entrent dans Moscou et certains occupent même Dmitrov. Lors de la retraite, ils s'illustrent encore durant les combats de la Bérézina (novembre 1812) où ils perdent dix officiers et 400 soldats (auxquels il faut ajouter 357 combattants morts de faim et de froid). On raconte même que ce sont eux qui permettent à l'empereur de franchir le fleuve, au gué de Westelowo- Studianka. Le ler janvier 1813, à son arrivée à Marienburg (Malbork), le régiment ne compte plus que 296 survivants auxquels l'empereur adresse le message suivant : "Hier, j'ai pu m'assurer de mes propres yeux de votre courage et de votre fidélité. Vous avez acquis la gloire immortelle et l'estime, et je vous place parmi mes meilleures troupes. Pour votre courage, je vous promets de vous accorder tout ce que vous me demanderez de bon droit lorsque nous serons de retour. Je suis satisfait de vous, très satisfait". Démobilisés en mai 1814-(32), la plupart de ces soldats regagnent leurs foyers pour un repos bien mérité ; ne demeurent en France que quelques officiers dont le fameux général Marko Sljivariĉ, comte de Heldenburg (1762-1815), qui prend le commandement de la place d'Antibes.

Pour clore le chapitre guerrier de cette période illyrienne, il faut encore préciser que plusieurs jeunes Croates viennent alors parfaire leur instruction dans les académies militaires françaises de Châlons et SaintCyr (33) ; il convient aussi de rendre justice aux officiers croates qui combattaient dans les rangs autrichiens et qui causèrent beaucoup de soucis à Napoléon lors des batailles de Lodi et de Rivoli. Sur le théâtre d'opération croate, ils se montrèrent tout aussi efficaces, comme ce maréchal Knezeviĉ qui libéra plusieurs villes en 1808, ou le général Tomasiĉ qui reconquit la Dalmatie après avoir battu Gauthier à Kotor (4 janvier 1813).

31. Le baron Alexis-Joseph Delzons (1775- 1812) a défendu Kotor contre les Russes et délivré Lauriston encerclé Raguse. Responsable de l'un des arrondissements des Confins Militaires, il a été gouverneur de Karlovac. Lors la bataille de la Moskova, il s'illustra en enlevant Borodino à la baïonnette, contouma Moscou et occupa Dmitrov. Durant la retraite, il commandait deux divisions et douze régiments de cavalerie.

32. Assiégée dans Magdebourg, la garnison croate résista jusqu'au 23 mai 1814.

33. Concernant les Croates qui vinrent en France, des précisions nous sont fournies par une lettre de l'empereur au général Clarke (Fontainebleau, 27 octobre 1810) : "...Quant aux Croates, le nombre de 200 est considérable. Demandez des renseignements afin que les 100 qui appartiennent aux gens les moins aisés, je puisse les mettre à Châlons. Ils ne coûteront que 400 frances et ils apprendront des métiers, ce qui est une chose fort utile en Croatie. Ainsi les fils de colonels, lieutenants-colonels, capitaines, jusqu'à concurrence de moins de 100 peuvent être élevés à Saint-Cyr ou à La Flèche ; les fils de lieutenants, en nombre nécessaire pour compléter 100, seront mis à La Flèche ; les 100 appartenant aux moins riches on les enverra à Châlons. Si les 200 appartiennent à des gens considérables et tels qu'ils ne puissent pas apprendre des métiers, vous m'en rendrez compte". (Lettre Impériales, no 17081).

INDEX| HOME| CONTINUE

______________________________________
Studia Croatica Studia Croatica Blog Croatian Culture Hrvatska Kultura Videos by Studia Croatica Studia Croatica - Facebook Studia Croatica - Twitter www.croacia.com.ar Adriana Smajic Glagol Press