Cardinal Stepinac
LE CARDINAL STEPINAC: Martyr des droits de l'homme
M. Landercy

CHAPITRE XII: QUELQUES TEMOIGNAGES

Randolph Churchill

"L'objet principal des attaques des journaux était l'Archevêque de Zagreb, Stepinac. En mai dernier, les partisans l'ont enfermé dix-sept jours en prison. A partir de ce moment-là, il fut sans cesse épié par la police secrète yougoslave, et maintenant, il est très rare de le voir quitter l'Archevêché.

Il y a peu de temps, des partisans en uniforme ont mis la main sur lui, dans un petit village près de Zagreb; ils jetaient de lourdes pierres à travers les vitres de sa voiture. Les agents de la police secrète qui le suivaient, n'ont pas essayé de le défendre. Un jour, quand je suis allé le voir, il m'a montré une pierre qui pesait un kilo ou plus et dont il se servait maintenant comme presse à papier. La plus grande tristesse de l'Archevêque n'était pas tant les actes d'espionnage de la part de l'OZN-a, que le fait qu'il était complètement coupé du Vatican et qu'il ne pouvait plus disposer de moyens pour envoyer ou recevoir des lettres. Toute sa correspondance était entièrement censurée.

Lorsque j'ai quitté l'Archevêché, après plus d'une heure de conversation avec l'Archevêque, ma jeep fut suivie à travers les rues de Zagreb, par une auto de la toute-puissante OZN-a. Quand je les ai aperçus, ils m'ont demandé de leur montrer mon passeport. C'était mon expérience la plus directe de la surveillance à laquelle était exposé l'Archevêque et ses éventuels visiteurs. Il existe déjà des signes que cette persécution est mal supportée, surtout chez les paysans. Il est certain que les églises n'ont jamais été aussi pleines que maintenant, pour Noël et le Nouvel- An.

C'est un fait que les communistes n'ont pas encore osé enfermer l'Archevêque Stepinac car ils ne se sentent pas encore suffisamment forts pour faire ce pas décisif. Pourtant il se peut aussi que la campagne entreprise par les journaux soit destinée à accélérer cette action qui serait la provocation la plus brutale des partisans envers l'Eglise catholique de Rome.

RANDOLF CHURCHILL, Membre de la Mission Militaire Britannique en Yougoslavie.

(The Daily Telegraph and Morning Post, Londres, 23 janvier 1946)

François Mauriac, de l'Académie Française

"Si nous nous émouvons, ce n'est pas parce qu'un membre de la hiérarchie catholique se trouve en cause. Qu'il s'agisse d'un archevêque, c'est au contraire ce qui d'abord nous a retenus de protester: nous ne voulions pas céder à la prévention. Mais nous avons été convaincus: l'archevêque de Zagreb, condamné à seize ans de bagne, est innocent...

"Il est faux qu'il ait collaboré avec les Oustachis et qu'il les ait aidés. Il ne cessa au contraire de s'opposer à eux, de protester contre l'embrigadement de la jeunesse croate, et, publiquement dans sa cathédrale, contre l'exécution des otages et la persécution des Juifs...

"Il dénonça les conversions forcées imposées aux orthodoxes serbes par des misérables aveugles. A cause de ses protestations, la police le surveillait dans son palais où il fut à plusieurs reprises consigné...

"Tout s'éclaire, si l'on se rappelle que, le 8 septembre 1946, l'archevêque de Zagreb, le premier des évêques croates, refusait de rompre avec Rome. Voilà le noeud de tout...

"Mgr Stepinac souffre pour l'unité, il est l'un des martyrs de l'unité (... de l'Occident et de l'Orient chrétien...) - et non pas seulement de l'union avec Rome...

"L'archevêque de Zagreb écrivait en 1944 : "L'Eglise catholique ne craint aucune puissance sur la terre lorsqu'il s'agit de défendre le droit de l'individue. Qui parlera désormais, si les chrétiens se taisent? S'ils se taisent, "les pierres crieront".

(Le Figaro du 2 novembre 1946)

Le Parlement irlandais

"Le Parlement irlandais, sérieusement préoccupé par le procès injuste et par l'emprisonnement de S. Exc. Mgr Stepinac, et par les preuves accumulées de l'existence en certaines parties de l'Europe d'une campagne de persécution religieuse; convaincu que la reconnaissance de la souveraineté de Dieu et de la loi morale est la base fondamentale d'une organisation juste et stable du monde quelle qu'elle soit; que la liberté d'adorer le Seigneur loyalement et de la façon que lui- même a commandé est le droit inaliénable de l'homme et que le respect de ce commandement divin est essentiel pour la préservation de la paix entre les nations, fait appel à tous les peuples qui désirent la vraie liberté et une paix durable, afin que par une action commune ils utilisent leur influence pour faire cesser la persécution religieuse et pour garantir l'acceptation de la liberté de conscience comme un des principes fondamentaux d'une organisation mondiale vraiment sincère; et il demande au ministre des Affaires étrangères d'avoir présent ces principes et d'attirer l'attention des Etats avec iesquels l'Irlande entretient des relations diplomatiques, les poussant à faire les démarches jugées nécessaires pour garantir l'adhésion des peuples amis de la liberté."

"Etudes": La condamnation de Mgr Stepinac"

Arrêté vers la mi-septembre 1946, Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, primat de Croatie, était condamné, le 11 octobre, par le "tribunal du peuple" à seize ans de travaux forcés.

A cette nouvelle, l'opinion mondiale, si blasée en matière de sentence judiciaire, s'est émue. Depuis des années, tandis que ses partisans tenaient le maquis, la radio clandestine du maréchal Tito (comme celle de Londres) n'avait cessé de citer en exemple l'archevêque de Zagreb, sa foi patriotique, son intransigeante fierté, sa résistance intrépide contre l'occupant ou l'oppresseur; et voici que ces mêmes hommes, parvenus au pouvoir, chargent ce même archevêque des accusations les plus graves: collaboration avec l'ennemi pendant l'occupation italoallemande, lâcheté à l'égard de la dictature de Pavelic, complot contre le gouvernement national du maréchal Tito. Seize mois ont suffi pour récrire l'histoire, faire d'un héros un criminel.

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